Le pays – 8

4 avril 2018

En définitive, il semble que chez nos voisins de forêt occasionnels qui accueillent un couple en yourte sur leur terrain, le besoin de tranquillité soit encore plus fort que celui de se donner bonne conscience. Les habitants de l’habitat nomade ont récemment été invités à ne pas se sédentariser plus en cet endroit.

La jeune femme qui vit dans un gîte, chez moi, provisoirement est, elle, soucieuse de s’installer durablement avec le moins de vagues possible. Elle posera sa yourte près du terrain qu’elle compte cultiver sur la commune, et la cachera le plus possible pour satisfaire le maire – conciliant -, en plus d’elle-même qui souhaite rester discrète. Mais elle fera ce qu’elle peut, parce que les voisins du terrain, à qui elle demandait le micro bout de territoire planqué ad hoc, ont rejeté sa demande sans même la rencontrer.

Les raisons de chacun m’étant inconnues, je ne peux pas m’indigner de leurs décisions. Mais, n’en déplaise aux jaloux de tout poil, il me faut constater que le choix de la vie en yourte n’a rien du parcours pépère… Et que le type d’existence que ça induit, loin de l’eau courante, de l’électricité à volonté, de l’espace gage d’intimité et d’une régulation aisée des températures, n’a rien pour séduire la majorité des gens.

Le pays – 6

23 novembre 2017

Le mazet, avec le bout de terrain, qu’ils entretiennent plutôt bien (débroussaillement, plantations), lui en parle comme d’une danseuse. Elle, ne dit trop rien de personnel.

Ce sont nos voisins. Des voisins de forêt (pas trop près), des voisins de la ville qui viennent en vacances et qui s’activent. Il n’y a rien à ajouter. C’est bien.

Ils passent chez nous pour aller à la rivière, naturellement (c’est le plus simple). Mais ils se sentent obligés, quand je les croise, d’essayer de me faire croire qu’ils comptent bientôt manger à notre table d’hôte (ils n’y sont venus qu’une fois il y a des années, mais fréquentent finalement plus volontiers le restau du village). C’est moins bien, c’est en trop, ça révèle un malaise. Et quand nous leur parlons de l’hypothétique installation de la yourte d’un ami sur un bout de terre à nous, proche du leur, ce qui ne demandait qu’à être révélé l’est : il ne faudrait quand même pas qu’on empiète trop sur leur tranquillité. C’est elle qu’ils cherchent ici, loin de leur trépidante cité.

Pourtant, une yourte habitée sur leur terrain, ça existe déjà, mais c’est de leur fait, et c’est loin du mazet, et c’est en échange de tâches par les habitants de la tente mongole. Surtout, c’est de leur fait. Comme les ultra-riches créent des fondations, ils ont leur œuvre de bienfaisance, leur entreprise de déculpabilisation sociale. L’essentiel restant que les vaches soient bien gardées, la propriété bien gérée. Et les arbres bien coupés : ils m’en ont donné sur pied, pour bois de chauffe, qui leur bouchaient la vue. Générosité bienvenue mais calculée. Jusqu’à quel point ? Je n’ai pas vraiment envie de me poser la question, et leur souhaite à eux, avant tout, comme première tranquillité, de manger où ça leur plaît et d’assumer leur usage sans contrepartie d’un sentier qui passe chez quelqu’un. On devrait s’en porter tous très bien !

Je le leur souhaite sans leur dire, trop effrayé par le malaise qu’une telle conversation ne manquerait pas de générer dans un premier temps.