Riche ! – 3

21 mai 2017

Rendons justice au travail et à la volonté parentale – parents qui, eux, ont mangé de la vache enragée. Rendons à mon caractère ce qui lui appartient, qui me ferait craindre tout autant, ou même plus, la chute, la perte, la déchéance, si je n’étais riche que de peu de choses. Rendons à la situation sa particularité : je vis et, ce qui compte le plus, tire prestige de quelque chose que je n’ai pas créé.

Riche ! – 2

20 mai 2017

De ce qu’avaient mes parents à leurs débuts ici – des pins, des cailloux, une ruine, de l’herbe sèche – il n’y avait guère possibilité que d’amélioration. Pauvres, ils étaient riches de possibilités. Rien à perdre, tout à construire. Et ce qu’ils ont construit, ma richesse d’aujourd’hui, rend les possibilités d’amélioration plus subtiles et le risque de perdre quelque chose plus évident. Avoir à perdre rend peureux, et la peur qui se fait dominante appauvrit l’esprit. Je lutte contre, mais ne suis pas tous les jours à la hauteur.

Fils de – 2

3 mai 2017

Il en a des choses à dire, mon père, quand il passe par ici. Il en a des commentaires à faire, en bien, en moins bien, mais toujours avec l’œil de l’expert, quand bien même il vaque ailleurs depuis cinq ans, a oublié un peu comment ça se passe, et ce qu’il m’a déjà dit, et ce que j’ai entrepris de changer. Il en a des choses à dire, naturellement, après avoir vécu 40 ans ici et façonné ce qui me permet de vivre et de jouir de la nature cultivée qui nous environne (et de ne pas m’ennuyer, aussi). Alors il les dit, et je reconnais que ça m’est encore parfois fort utile, une fois digérée l’humiliation de la leçon du professeur en chef, collectionneur d’admirateurs… D’animations en ateliers, de réunions en manifestations… Mon père, ce gourou. Mon père qu’on n’a pas opéré finalement, et qui va faire traiter son kyste cancéreux – sur les cordes vocales – à coup de radiothérapie. Mon père qui a d’autant à dire, il me semble, que ses paroles éclipsent l’angoisse du traitement, la peur de la déchéance. La mort est encore loin, le mal somme toute bénin en l’état, alors naturellement la manifestation de la peur chez l’homme fier qu’est mon père, prend ce chemin détourné que je crois déceler. Ainsi va de l’expression de son humanité, dans toute sa complexité – qu’on ne touche sans doute là qu’à peine du bout du doigt.