Moi, citoyen – 24

10 octobre 2018

Mais je ne voudrais pas avoir l’air de prôner le noble militantisme et l’engagement politique clairvoyant contre un repli sur soi béni-oui-oui au nom de la part du colibri. Les choses sont beaucoup plus nuancées et la guéguerre entre lutteurs et constructeurs a tout pour me désespérer puisqu’au fond tout le monde sait peu ou prou que l’on peut être des deux bords à la fois, plus orienté d’un côté que de l’autre suivant son caractère et ses affinités. Chaque tendance possède sa part sectaire, a parfois de la difficulté à reconnaître qui n’est pas des siens autrement que comme victime ou bourreau, mais peut cheminer avec l’autre mouvement pour le meilleur quand ses membres ont à peu près les idées claires et l’ego en sourdine.

Moi, citoyen – 8

21 septembre 2017

Le militant est, pour le commun des mortels, un repoussoir. Il est dans la posture, il caricature, il critique sans proposer, il culpabilise son prochain. On ne veut pas l’écouter, encore moins lui ressembler. La cause qu’il défend peut sembler bonne, on la prendra en grippe parce qu’il nous gonfle. De l’avis de tous les bien-pensants le militant se tire une balle dans le pied. Certains, qui partagent ses indignations et ses conclusions politiques, qui pourraient l’aider à faire avancer la cause, s’en tiennent à distance (ou finissent par le faire après une période de contact) faute d’adhérer à sa manière de concevoir la communication et l’action, la militance au fond. N’empêche, le militant fait du bruit, provoque le débat, oblige le politique à se saisir de certains sujets qu’il aurait préféré laisser sous le tapis. Le militant se confronte, avec mauvaise foi, en occultant tout ce qui pourrait atténuer son propos, à une autre mauvaise foi, qui a pignon sur rue et sert généralement des intérêts bien établis. Si le militant met ostensiblement les pieds dans le plat, c’est parce qu’il sait que, sur le terrain de la communication, il ne joue pas avec les mêmes armes que ceux qu’il combat ; il sait que le statu quo est la règle, et que pour s’attaquer à la règle il faut faire du bruit.

J’en connais un peu des militants, plutôt gauchos, principalement écolos. (De loin, je dois en être un, de par mon activité de paysan adhérent à Nature et Progrès, ou l’avoir été à l’époque où j’envoyais des courriels collectifs d’opinion, où je postais sur un blog une BD au contenu partisan, où je m’étais investi un petit moment dans le collectif anti gaz de schiste du coin. De près, si je milite, c’est en dilettante, franchement investi nulle part.) Si je reconnais la légitimité de la manière de faire de ceux-ci, je suis de ceux à qui elle ne convient pas vraiment parce qu’elle demande à être obsessionnel, et qu’une obsession – au service de quelque cause légitime cela puisse être – pousse gentiment à la névrose. Attaché aux nuances, je tiens pour ma part à m’éviter cette névrose-là (finir par croire que les choses sont aussi tranchées qu’on le dit) puisque j’en perçois le risque et que je sais que d’autres névroses me guettent, me gagnent ou me possèdent déjà. J’aimerais croire qu’existe une militance plus souterraine, car personnelle, inscrite dans les actes et les expressions de tous les jours, dans la construction, et dans la création, et au sein de laquelle je pourrais m’épanouir pour faire ma part, qu’elle soit complémentaire de l’autre manière de faire. Mais si choisir d’y croire ne mange pas de pain, j’ai bien peur qu’elle ne m’engage pas, moi – ou quiconque pense comme moi -, à me donner beaucoup de moyens pour peser sur le cours des choses ; et qu’il est pourtant urgent, de tout évidence que l’on s’engage un peu plus ouvertement contre… (ce que vous voudrez – les choix ne manquent pas, dans la limite du respect des humains, des bêtes, des grands équilibres naturels, et histoire de s’éviter un coupable prêt-à-haïr, forcément un poil à côté de la plaque).