Le métier – 5

7 décembre 2017

Je coupe des arbres. Des pins laricios ou maritimes, trop nombreux aux environs (facteurs d’acidification des sols, brasier incontrôlable potentiel en cas de départ de feu) et qui alimenteront la chaudière de la maison dans deux ou trois ans.

Comme il m’est bon, toujours, de me voir faire avancer le travail. Et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de ces tâches d’hiver que j’ai tendance à repousser (coupes, tailles, constructions, réparations, études, projections…). Celles que je peux faire aussi bien demain que dans un mois, et que je me retrouve, à force de remises à plus tard, à exécuter en catastrophe quand le printemps fait ses premiers clins d’œil. Ou que je ne fais pas du tout in fine. Pas cette année.

C’est bon de travailler, d’agir sur le bon déroulement des choses, de petit à petit donner corps à un projet, une vision. Et si j’y travaillais plus en hiver, pour sûr, je la verrais se concrétiser plus vite cette projection, et j’aurais plus confiance, à force, en mes capacités, et j’en redoublerais d’ardeur à la tâche ; cercle vertueux.

Oui, mais je me targue de vouloir créer. Je prétends la chose indispensable à mon équilibre. J’attends d’ailleurs l’hiver avec impatience car le temps me manque le reste de l’année. Et l’hiver arrivant, je repousse également un temps la chose, ne sachant plus vraiment par quel bout la prendre, et privilégiant la lecture, les films, et les micro-tâches qui ne demandent que peu d’implication, mais prennent parfois bien du temps quand on se le donne.

Je revendique un besoin de création mais j’ai avant tout besoin d’expression. Une expression juste, la plus fidèle possible à mon univers intérieur, et à laquelle je sais ne pas pouvoir prétendre par la parole, ou très rarement. Je tente de concilier création et expression, privilégie cela à des productions plus fantaisistes, et voit chaque année également à ce propos arriver le printemps, pétri de regrets quant à toutes les ébauches narratives qui se bousculent sous mon crâne ou traînent, griffonnées sur un bout de papier. Et dont le destin, pour la plupart, est de n’aboutir jamais à rien de concret.

Il me faut alors me souvenir du temps où je ne me donnais à faire que ça, de la création. Cette époque où je vivais en ville, où je ne gagnais pas ma vie, où je ne donnais pas de mon temps pour la communauté, et où je n’aboutissais pas plus de projets, relativement à la surabondance d’idées – toutes plus transcendantes les unes que les autres ! – qui me possédaient. De fait, la frustration en la matière était la même, et sur le reste je ne peux que constater qu’aujourd’hui je me sens plus en vie.