Activités du moment – 9

1er novembre 2018

Passer un coup au congélateur les réserves de nourriture sèche (en bocaux) pour ne pas les retrouver claffies de mites au retour.

Manger des châtaignes, essentiellement crues, c’est bien meilleur. Et en marchant dans les bois, c’est bien le plus pratique.

S’attrister du résultat fort décevant de mon essai de radis lacto-fermenté et de la quantité importante qui en a été préparée.

Écouter Les pieds sur Terre en empotant des confitures de mûres, de figues, de pêches de vigne, de courges avec des écorces d’oranges. Écouter La dispute en enlevant la peau gluante du chapeau des bolets, avant d’en faire des conserves.

Jouir des premiers contrastes de l’automne, en revenant du travail, entre le temps cru du dehors et la franche chaleur des premières flambées au-dedans.

Montrer aux gardiens les choses qu’ils auront à surveiller et à faire en cas de problème. S’échiner à leur laisser en complément des instructions écrites les plus claires possibles.

Se faire à l’idée que je ne pourrai pas plus avancer le débroussaillement cette année.

Faire les démarches de clôture de mon activité agricole. Frémir à l’idée que pour une raison ou une autre, par le biais d’un obscur diktat administratif, on me refuse l’an prochain le droit de la reprendre.

Voir passer, non sans appréhension, le jour où j’aurais dû, en temps normal, prendre la route pour Paris et sa grosse foire bio. M’échiner à ne pas penser à l’argent qui n’y sera pas gagné cette année, à ce que ça pourrait amener comme difficultés en cas de mauvaise gestion ou de coup dur.

Faire du bois pour que les gardiens puissent mettre la maison en chauffe si un épisode de fort gel le nécessite. Brûler, déjà, une partie de ce bois pour me chauffer. Râler, forcément, de devoir en refaire alors.

Tenter de pallier à des ponts thermiques extrêmes dans les parois de la maison avec des empilements de ballots de paille.

Déplorer que ma chatte, au contact des chats des gardiens, apprenne à miauler pour réclamer quelque chose.

Jouir de la solitude, du rythme d’activité quasi entièrement maîtrisé puis, un instant plus tard, me trouver bien esseulé, privé des échanges du quotidien avec ma compagne – qui expérimente la vie citadine nord-américaine depuis quelques semaines déjà.

Le métier – 5

7 décembre 2017

Je coupe des arbres. Des pins laricios ou maritimes, trop nombreux aux environs (facteurs d’acidification des sols, brasier incontrôlable potentiel en cas de départ de feu) et qui alimenteront la chaudière de la maison dans deux ou trois ans.

Comme il m’est bon, toujours, de me voir faire avancer le travail. Et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de ces tâches d’hiver que j’ai tendance à repousser (coupes, tailles, constructions, réparations, études, projections…). Celles que je peux faire aussi bien demain que dans un mois, et que je me retrouve, à force de remises à plus tard, à exécuter en catastrophe quand le printemps fait ses premiers clins d’œil. Ou que je ne fais pas du tout in fine. Pas cette année.

C’est bon de travailler, d’agir sur le bon déroulement des choses, de petit à petit donner corps à un projet, une vision. Et si j’y travaillais plus en hiver, pour sûr, je la verrais se concrétiser plus vite cette projection, et j’aurais plus confiance, à force, en mes capacités, et j’en redoublerais d’ardeur à la tâche ; cercle vertueux.

Oui, mais je me targue de vouloir créer. Je prétends la chose indispensable à mon équilibre. J’attends d’ailleurs l’hiver avec impatience car le temps me manque le reste de l’année. Et l’hiver arrivant, je repousse également un temps la chose, ne sachant plus vraiment par quel bout la prendre, et privilégiant la lecture, les films, et les micro-tâches qui ne demandent que peu d’implication, mais prennent parfois bien du temps quand on se le donne.

Je revendique un besoin de création mais j’ai avant tout besoin d’expression. Une expression juste, la plus fidèle possible à mon univers intérieur, et à laquelle je sais ne pas pouvoir prétendre par la parole, ou très rarement. Je tente de concilier création et expression, privilégie cela à des productions plus fantaisistes, et voit chaque année également à ce propos arriver le printemps, pétri de regrets quant à toutes les ébauches narratives qui se bousculent sous mon crâne ou traînent, griffonnées sur un bout de papier. Et dont le destin, pour la plupart, est de n’aboutir jamais à rien de concret.

Il me faut alors me souvenir du temps où je ne me donnais à faire que ça, de la création. Cette époque où je vivais en ville, où je ne gagnais pas ma vie, où je ne donnais pas de mon temps pour la communauté, et où je n’aboutissais pas plus de projets, relativement à la surabondance d’idées – toutes plus transcendantes les unes que les autres ! – qui me possédaient. De fait, la frustration en la matière était la même, et sur le reste je ne peux que constater qu’aujourd’hui je me sens plus en vie.