Plantes, compagnes – 8

3 novembre 2018

Celles qui sentent bon, quand on leur taille dedans à coups de débroussailleuse. Celles qui par leur odeur, font un court instant de la tâche pénible qu’est le débroussaillement dans la jungle de ronces, bruyères arborescentes, fougères, filaires, houx, érables de Montpellier, un plaisir.

Le thym serpolet.

La menthe sauvage nepita.

Plantes, compagnes – 7

18 août 2018

Les interdites.

Le Clinton, l’Isabelle, le Jacquez, le Noah, l’Herbemont, l’Othello, sont des cépages originaires d’Amérique, et des vignes vectrices d’histoires. Je ne les ai peut-être pas tous chez moi (j’en ai aussi d’autres), je ne sais pour la plupart pas bien les reconnaître, mais je connais leur statut d’hors-la-loi, et comme ils s’affichent comme tels sur le panneau devant la parcelle conservatoire du hameau d’à côté, il me faut bien en parler un peu aux vacanciers interloqués.

Porteurs sains du phylloxéra – et de l’oïdium pour l’Isabelle -, ces cépages importés sont à l’origine de la contamination du vignoble français par l’insecte au XIXème siècle. Ils ont finalement constitué le remède à ce problème en servant de porte-greffes.

Leur adaptation au sol et au climat des Cévennes, et leur résistance aux maladies, y ont assuré leur succès en plants directs. On les cultivait en treilles, sous lesquelles on pouvait, pour ne pas perdre une once de terre cultivable, planter des patates. De cette culture résultait un vin dont s’accommodaient bien les paysans du coin, mais auxquel les esprits chagrins prêtaient un goût foxé (âpre et amer).

En 1934, la surproduction de vin en France (comprenant l’Algérie) pousse le gouvernement d’alors à agir. Il en résultera, sous la pression des puissants lobbies viticoles de différentes régions, et au prétexte fallacieux que les cépages américains donnent du mauvais vin, une loi d’interdiction des cépages en question qui ne concerne que de petits viticulteurs dispersés à travers certains coins spécifiques de France où, du fait du climat, il est difficile de cultiver d’autres cépages. L’impact sur la surproduction, lui, sera tout à fait marginal, et les vendeurs de produits phytosanitaires (pesticides) et d’engrais que nécessitent les autres cépages verront leur marché préservé. Les mineurs cévenols, ces grands buveurs, devront quant à eux se rabattre sur d’autres vins ou alcools.

Après dérogation, la loi n’est finalement appliquée qu’en 1953 et des primes à l’arrachage proposées en 1962. Tout n’a heureusement pas été arraché, et bien des treilles ont au contraire été entretenues, récoltées, et vinifiées.

Cependant, il persiste une rumeur qui dit que le vin issu de ces cépages rendrait fou, voire même qu’on l’aurait précisément interdit pour cela, alors que ça n’a jamais été évoqué dans les débats de 1934 à l’Assemblée Nationale et au Sénat, où ça aurait pourtant idéalement pu servir d’argument décisif. La triste vérité est que ce vin facilement produit était ingurgité en quantités pour le moins déraisonnables et pouvait de fait avoir des effets sur la santé non négligeables. En cause, principalement, le méthanol, que tous les vins contiennent, mais particulièrement ceux issus de variétés dont les grains sont petits et la rafle importante, comme le sont par exemple ceux de l’emblématique Clinton ou du Noah. De fait, quand les anciens pressaient bien souvent exagérément le raisin pour en soutirer le plus possible de jus, il a été désormais identifié, qu’avec des pratiques de vinification exigeantes, l’on peut obtenir des vins contenant peu de méthanol, et qui s’affranchissent, qui plus est du fameux goût foxé, qui déplaisait tant.

Une poignée de passionnés se bat aujourd’hui pour la réhabilitation de ces cépages et j’ai la chance qu’un de ces expérimentateurs érudits habite non loin de chez moi. Certains vacanciers, qui repartent – chut – avec quelques bouteilles interdites dans les bagages chaque année ne s’en plaindront pas non plus.

Plantes, compagnes – 6

28 mai 2018

Les aromatiques.

La livèche, reine entre toutes, souveraine au printemps, parfume avec un égal bonheur salades et plats chauds. Avant de vous demander qui peut bien être l’intrigante, assurez-vous que vous ne la connaissez pas en tant qu’ache des montagnes, céleri perpétuel ou bien maggi, comme l’appelle mon cousin alsacien (et pas de raison, a priori, qu’il ait l’apanage de cette référence – plutôt malheureuse selon moi – à un certain bouillon-cube de légumes industriel).

La coriandre en fleur – délicieuses – est à préserver pour la laisser se ressemer seule, au hasard du couvert de la serre, et pour récupérer quelques graines aussi (les fraîches sont un régal dont il faudra savoir user avec parcimonie si l’on en veut des sèches à semer). Les nouveaux plants savent se faire désirer ; ils poussent timidement parmi les carottes, betteraves, panais, auxquels je les ai jumelés.

La roquette, que j’ai laissée monter également ici et là, est sur le point de disperser sa précieuse semence. Je lui suis reconnaissant avant tout de m’offrir tout l’hiver de grosses touffes fournies dans lesquelles glaner pour agrémenter les salades de légumes râpés et de chicorées.

Des tagètes, ou autres œillets d’Inde, que je plante parmi les tomates pour leurs vertus nématicides, il est possible de déguster les feuilles comme condiment puissant. C’est une opportunité dont je n’use que rarement, trouvant, à vrai dire, la chose légèrement écœurante.

L’estragon, épanoui tendron, attend les cueillettes, et moi, vaguement monomaniaque, j’attends les premiers concombres pour l’utiliser en tzatziki, ce qui lui sied le mieux du monde.

La ciboulette n’est pas ma préférée, mais j’en ai (Goût d’oignon, bon pourrait être son petit surnom). Ce n’est pourtant pas faute qu’elle me fasse de l’œil avec ses magnifiques fleurs mauves tendues vers le ciel.

Le nouveau persil est planté, celui de l’an dernier mature ses graines. J’ai sacrifié la majorité des plants qui montaient pour compléter une pâte à tartiner à base de noix et d’ail dont je me régale, ainsi achevée, depuis quelques semaines maintenant.

J’ai pris soin de ne pas débroussailler tous les plants de monnaie du pape et d’alliaire qui jouxtent la maison et dont j’agrémente les salades au début du printemps. Leurs graines voleront bientôt au vent, et dans moins d’un an, pourra-t-on à nouveau déguster les fleurs et piécettes fraîches de la monnaie, les jeunes feuilles de la cousine sauvage de l’ail.

Les mille feuilles de l’achillée sont un peu coriaces maintenant qu’elle fait ses fleurs, mais je saurai les cueillir au moment propice à l’avenir. Par ailleurs une seule suffit à créer la surprise dans une assiette.

L’armoise, avec parcimonie, parfumerait bien les plats, mais je l’éradique, l’envahissante, qui s’est déjà bien trop étalée autour de la maison.

L’oxalis, autre envahissant (au jardin), ravira les amateurs d’acidité par sa parenté gustative avec l’oseille. Je la leur laisse. Ils peuvent venir tout désherber, en déterrant jusqu’à la dernière des mille bulbilles qu’elle garde précieusement disséminées sous la terre.

Plantes, compagnes – 5

30 mars 2018

Celles qui fertilisent.

La vesce et la féverole sont des fabacées, dites autrefois, et encore fort souvent, légumineuses. La plupart des représentantes de cette famille merveilleuse (où l’on trouve aussi pois et lentilles, soja et haricots) donnent des graines consommables et source de protéines. Non moins notable est leur capacité à pousser sur des sols pauvres, expertes se montrent-elles à produire leur propre azote nourricier en sous-sol. Et si l’on ne laisse pas la plante arriver à maturité et consommer toute sa production fertilisante, voici qui est gagné pour la terre et les futures cultures qui s’y trouveront. Aussi ces plantes qu’on dénomme « engrais verts » seront coupées à plusieurs reprises en sortie d’hiver, déracinées enfin, et partiellement enfouies, avant de prétendre y cultiver des légumes.

Le seigle est une poacée (céréale) qui convient bien aux sols acides de nos contrées et fournit un couvert végétal abondant. Cette végétation, en tant que matière organique fraîche, est, comme celle des fabacées, gage de fertilisation du sol lorsqu’elle s’y décompose. Voilà qui rend moins dépendant aux apports fertilisants venus de l’extérieur, et notamment à ceux issus de l’élevage (fumier composté) dont il semble néanmoins très compliqué – et pas forcément souhaitable – de se passer tout à fait.

Les engrais verts ont également pour prérogative de protéger le sol, la faune et les champignons qui y demeurent (nécessaires à la bonne assimilation par les plantes des nutriments de la terre) des intempéries hivernales, et d’empêcher l’érosion d’y sévir.

Dans d’autres conditions, à certaines fins et à d’autres moments de l’année, il pourra être semé des brassicacées (crucifères ou famille des choux, navets, moutarde…) ou des chenopodiacées (famille des épinards, de la quinoa…), des polygonacées (sarrasin) et des fleurs mellifères pour faire plaisir aux abeilles.

Plantes, compagnes – 4

14 mars 2018

Celles qu’on taille. Loin du gel et de la pluie de préférence. Avec saison de prédilection propre à chacune… Et qu’on respecte ou pas.

L’actinidia, qui, si l’on attend trop pour le faire, deviendra plante fontaine, pleurera toutes les larmes que son corps ne peut pourtant raisonnablement pas contenir.

Parmi les petits fruits, on ne comptera qu’avec les rares jeunes framboisiers que le remue-ménage des sangliers n’a pas fatalement contrariés – autant dire rien malheureusement. C’est la sècheresse d’automne qui a dû être une épreuve pour les cassissiers que j’ai pourtant maintenus irrigués tout l’été. La taille des sujets secs est sans concessions. Groseilliers et caseilliers ont mieux résisté, un bon éclaircissement va les dynamiser.

Ces pommiers plus ou moins anciens, pas touchés depuis plusieurs années, jungles de pousses anarchiques dans lesquelles il faut trancher. Mais avec application.

Le mûrier et sa taille rase bisanuelle, héritée de l’époque où se pratiquait l’élevage du ver à soie. Elle a ici pour but d’éviter à l’arbre d’aller trop chatouiller la ligne téléphonique qui lui passe au-dessus.

Ce cerisier et cet abricotier chéri qui n’ont pas supporté la sècheresse de l’an dernier n’ont plus qu’à être abattus. Peut-être feront-ils maintenant le bonheur du tourneur sur bois du coin. De ce pêcher à moitié pourri que la neige a mis à terre, il n’y a rien à tirer.

Et puis les autres fruitiers… Pruniers, griottiers, cognassiers, poiriers, figuiers, oliviers, pêchers de vigne, plaqueminiers n’y passeront pas tous cette année.

La boule à zéro pour les saules, en rêvant d’un jour se décider à utiliser la ressource pour se mettre à la vannerie.

La glycine et la vigne vierge, qui envoient leurs pousses sous les tuiles, nécessitent une taille de discipline.

On se laisserait bien envahir par les lilas, enivrante floraison odorante à venir, mais il en va de la sécurité des marcheurs noctambules puisque les arbustes s’épanouissent devant une ampoule extérieure fort utile.

La vigne peut attendre encore un peu, puisque « taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars », et que selon certains cœurs de pierre il lui est même bénéfique de pleurer un peu. Pour patienter j’ai préalablement quelques tonnelles avachies à remettre d’aplomb.

Plantes, compagnes – 3

20 octobre 2017

Celles qui enrhument.

Les graminées fourragères me taquinent au printemps, me rendent les journées plus ou moins éprouvantes pendant environ trois mois, et puis un peu tous les jours le reste de l’année quand je les manipule sèches et en bottes pour nourrir mes animaux de ferme herbivores. Rien que de très commun pour du foin. Rien de bien handicapant, même pour un paysan.

Plus insolite, je réagis aussi, et parfois fortement au contact avec les plants de tomates. Lors d’une taille un peu poussée sur mes quelques deux cents spécimens, je peux engorger de sécrétions nasales jaune vif fort liquides, en un rien de temps, tout un paquet de mouchoirs en papier. Du pollen ou de la sève, qui me laisse une croûte brune sur les doigts (convertissable en jus jaune fluo au lavage des mains), je n’ai clairement identifié l’agresseur. Et personne pour m’y aider, car je me trouve bien esseulé face à ce tout petit mal en forme de gag qui semble m’avoir pris pour tête de turc.

Plantes, compagnes – 2

15 juillet 2017

Celles sans qui les salades mandalas maison ne seraient pas ce qu’elles sont, ne feraient pas l’effet qu’elles font.

Les laitues Oreille du diable, Sucrine, Grosse blonde paresseuse, Forelenschluss, Reine des glaces, Cocarde, Craquerelle du midi, dont je vous propose, plutôt que de vous les décrire maladroitement, d’imaginer formes et couleurs, stimulés par leurs noms.

La fleur de courgette, cinq rayons de soleil à la clef. La fleur de bourrache, et son délicat petit goût de poisson. La fleur de cosmos, comme sortie d’un flacon de parfum.

La feuille de capucine a la saveur poivrée de la fleur. Elle la remplace quand celle-ci se fait rare à cause de la chaleur.

La chaleur les fait monter : coriandre et roquette nous proposent alors plutôt leurs fleurs.

La bonne mauve, discrète au palais. La fleur de chou, pourquoi pas. Les fleurs d’onagre et de yucca, si elles le veulent bien. La fleur de bouillon blanc – celle qui vous gratte un peu le gosier – quand il y a pénurie d’autres choses.

La fleur de chicorée, ingrédient rare qu’on n’a pas encore bien compris quand cueillir pour qu’elle ne fane pas d’ici le dîner.

La fleur de calendula, qui fait dire à certains qu’on peut manger ses soucis…

Plantes, compagnes – 1

7 juin 2017

Celles qui piquent.

Le févier d’Amérique, arbre aux touffes d’épines monumentales, offre néanmoins ombre et cosses charnues au bétail. Un feuillu qui se plaît sur nos sols pauvres et peu profonds, c’est une aubaine. Et ça crée de l’humus, et le sol s’enrichit, l’eau y est mieux gardée, l’arbre n’en est que plus beau.

Le yucca, qui craint moins que toutes l’aridité, s’est fait une place de choix en barrières naturelles, et exhibe fièrement aux saisons pas trop sèches, ses hampes de grosses clochettes immaculées pour faire mentir les voix qui le disent austère. On déguste les fleurs avec salade ou en soupe épicée.

La ronce, envahissante jusque dans les jardins en terrasses, où sa présence dans les murets lui garantit une implantation durable, à l’abri de mes tentatives de déracinement. Les ronciers font également de belles barrières naturelles çà et là – garnies de mûres à la saison – dans lesquelles les sangliers font tout naturellement des trouées pour y passer.

L’ortie, la bonne, l’utile, dont on fait partout l’éloge, qu’on a eu en quantité par le passé et qui a reculé. Elle nous manque un peu la précieuse.