Moi, citoyen – 29

23 décembre 2018

À rebours de ce qu’on entend la plupart du temps dans les milieux écologistes radicaux (mais plus ou moins politisés), ne faudrait-il pas :

  • Appeler à une révolution matérialiste plutôt que spirituelle (fourre-tout) ? À une révolution du matérialisme ?

Regarder en face, rationnellement, ce qui fait de nous, humains, des êtres de nature, et à quel point on a besoin de cette nature, et comment on peut collaborer avec elle dans l’intérêt de toute la biodiversité.

Ne pas répondre par des croyances et des vœux pieux à des carences de connaissances et à des mécanismes de blocage complexes. Expérimenter méthodiquement les alternatives possibles aux logiques de pouvoir, d’exploitation et de rejet de l’autre… dans le respect des perceptions spirituelles de tous les acteurs, choses qui étant éminemment personnelles ne doivent en aucun cas se faire dogme, prétendre à une vision universelle.

  • Mettre l’accent sur l’intérêt à court terme (et non la nécessité de voir loin) de chacune des solutions (et non de toutes) à mettre en œuvre pour le futur ?

Si rien ne permet d’affirmer que toutes les actions écolos individuelles et collectives d’importance suffiraient, ultimement, à préserver l’humanité de la catastrophe écologique universelle (sauver la planète), elles ont néanmoins toujours ou auront dans un futur pas si lointain des effets désirables sur la vie de certains voisins terriens…

Ceci n’étant pas une disposition d’esprit pour se satisfaire des petits gestes des particuliers, faits plus ou moins en conscience, ni des petits pas, en avant, en arrière, des puissants de ce monde vers des lendemains moins durs, mais bien un moyen d’ouvrir les esprits à certains enjeux cruciaux en les abordant par un petit bout du problème, et par des solutions forcément partielles.

On comptera ensuite, en s’efforçant de les stimuler chez ceux à qui l’on s’adresse, sur l’envie d’approfondir, le besoin de mieux comprendre, la velléité à agir plus justement à mesure que l’on avance dans l’existence. C’est je crois le moyen le plus abordable de se prémunir de l’inertie provoquée par la globalité de l’enjeu écologique et par la croyance en certains besoins matériels (qui ne sont en fait que des habitudes humaines relativement récentes, et chez certains, que des envies suscitées par l’avoir d’autrui et le modèle établi par les marchands).

Moi, citoyen – 28

21 décembre 2018

Au party de Noël de l’atelier de dessinateurs où j’ai pris place, l’écologie est de toutes les discussions et j’en reste bouche bée. Je me doute qu’il n’en est pas de même dans tous les milieux socio-économiques et je ne sais pas dans quelle mesure le Québec pourrait être plus en avance que la France sur la question, mais je m’interroge. Bien sûr, l’atelier est surchauffé, comme tous les intérieurs du pays, et l’on trouve là des personnes qui pour leurs loisirs ou dans le cadre de leur travail, prennent l’avion bien plus que de raison écologique… Mais au moins sur cette question, entends-je poindre une prise de conscience que je trouve rafraîchissante, à défaut d’être suffisante, loin du grand fantasme vendu encore un peu partout sous couvert d’ouverture sur le monde.

Bien sûr le Canada n’est pas plus en avance sur la question écologique que les autres grandes puissances qui se shootent à la croissance. Des grosses bagnoles y sirotent l’essence bon marché et rare est, dans les magasins, ce qui n’est pas emballé dans du plastique. Mais, peu de temps après mon arrivée, j’ai pu me procurer une petite poubelle brune pour faire ramasser mes déchets compostables dans la rue. Et quand je questionnai quelqu’un lors du party sur l’existence de groupes activistes anti-pub auxquels je pourrais proposer mes forces vives et mes neurones actifs (ce que je m’étais promis de faire si je retournais vivre en ville), la demande ne parut pas comprise. Je m’avisai ensuite, en rentrant chez moi que la pub, ici, ne pourrissait pas la ville comme elle peut le faire en France par l’entremise des sucettes JC Decaux, principalement, qui ont envahi les rues de toutes les villes. Sans doute les panneaux d’affichage sont-ils ici plus présents dans les zones commerciales et sur les routes. Mais en son sein même, il me faut bien avouer que la grande ville a beaucoup pour plaire. Des beaux et bas immeubles en briques rouges et leurs escaliers en fer forgé aux rues larges laissant toute latitude de profiter des cieux bleus et des tempêtes de neige. Des nombreux arbres et arbustes aux ruelles d’arrière d’immeubles, non déneigées et rarement fréquentées, où le temps de faire dix mètres l’on peut se croire tout à fait ailleurs que dans une cité moderne, bruyante et fourmillante – ce que peuvent également s’imaginer les habitants des bâtiments dont le petit carré de pelouse jouxte la rue derrière une palissade en bois plus ou moins déglinguée… Aussi, sans doute, et parce que j’évite autant que faire se peut les grandes artères commerçantes et roulantes, me trouvé-je influencé, imaginant que s’épanouissent dans cet environnement sensiblement plus d’esprits ventilés aux idées alternatives et sensibles à la protection de la nature qu’ailleurs. C’est très probablement une illusion, mais qui sait ?

Moi, citoyen – 27

21 décembre 2018

Ça me semblait la base : j’emmènerais au moins avec moi du thym et de la verveine de chez nous – c’est pas lourd -, comme un petit bout de Cévennes et la garantie de la qualité sur au moins deux aliments que je consommerais en ville, la garantie d’une économie au moment de faire mon marché. J’ai oublié. Pas si grave vis-à-vis de la masse de choses importantes que je n’ai pas oublié de faire avant le départ. Mais aujourd’hui, devant le rayon de plantes sèches et d’épices du magasin bio du quartier, je grimace en découvrant l’origine nord-africaine des plantes aromatiques qui m’intéressent.

Au moins sont-elles bio, ce qui n’est pas le cas de tout ce que l’on trouve en boutique estampillée bio. Il faut s’y faire, et se faire encore plus attentif qu’en France quand on arpente les allées d’un de ces magasins.

Quant à l’origine des produits, il faut là aussi ouvrir le bon œil et fréquenter les bonnes boutiques afin d’ignorer la production des voisins états-uniens et mexicains. Le Québec est tout à fait à même de nourrir son citoyen (même étranger) pour qui a appris à se régaler des légumes d’hiver. La province produit même en serres chauffées des légumes d’été. J’en ai goûtés chez quelqu’un d’autre, et au vu de ce que j’ai découvert là, j’ai compris que le concombre, que je prenais d’habitude pour un légume plus appréciable pour sa texture que pour sa saveur, pouvait dans une version fade être relativement détestable. Les asperges gorgées du soleil du Mexique, très consommées dans le pays, et qu’on se procure pour trois fois rien ici alors qu’elles constituent un petit luxe en France, me font de l’œil de leurs graciles pousses vertes. Mais je sais résister à ces tentatrices en attendant de retrouver celles de mon jardin, qui devraient être en pleine production quand je rentrerai fin avril.

Une association d’achat groupé, dénichée par ma compagne, nous a assuré l’achalandage en céréales, légumineuses, huiles, condiments et fruits secs, le tout en bio et le plus local possible. Il est toujours bon de pouvoir se reposer sur une structure au fonctionnement vertueux, comme nous pouvons le faire également en France avec notre petite biocoop associative. Puissent bien des gens comprendre que ça ne tient parfois qu’à un investissement réduit de consommer plus éthiquement sans se ruiner, de mettre un pied dans des milieux ouverts aux alternatives et plus au fait de celles-ci.

Moi, citoyen – 26

8 décembre 2018

Dans les rues de la grande ville où je réside provisoirement, je me joins à une marche « pour le climat ». Et parce que je ne suis ni pour ni contre le climat (!), j’imagine une pancarte qui spécifie ma vision de la chose écologique, versant lutte contre le réchauffement climatique. Notamment influencé par le mouvement des Gilets Jaunes qui sévit et séduit en France, j’écris sur un brouillon :

Le climat change, et il s’en fout.

La planète est plus forte que nous.

Les riches ont de quoi encaisser bien des coups durs…

Le combat contre le réchauffement climatique est une lutte sociale !

Non aux taxes qui précarisent les plus pauvres !

Halte aux profits démesurés !

Oui au partage des richesses, à une vie simple pour tous en bonne intelligence avec la Terre.

Puis, conscient que ça fait un peu long pour une pancarte faite à la va-vite et que je m’accrocherai dans le dos, j’expurge le texte des trois premières phrases. Ça reste trop long pour faire office de slogan, mais, à l’heure des propositions à côté de la plaque et des promesses de Gascon des gouvernements des pays riches sur le sujet, le combat le plus dur commence selon moi, qui est de mettre la société bourgeoise, petite-bourgeoise et toute-petite-bourgeoise (ou classes moyennes hautes et basses pour ces deux dernières) toute entière – mais pas dans une même mesure – en face de ses contradictions, de sa mauvaise foi, de son hypocrisie, de sa lâcheté. Ce qui n’est pas une mince affaire et commence forcément par regarder en face sa propension à soi-même céder parfois à ces travers.

Aussi, si je voulais me faire moins laconique et forcément un poil malaimable vis-à-vis de beaucoup de bien-pensants qui manifestent, j’aurais écrit :

À vélo dans ta ville et tes vacances en avion ?… Éco-imposteur !

Ou bien :

Consommateur vegan d’une production industrielle ?… Éco-imposteur !

Mais je ne suis pas du genre à chercher la bagarre. Surtout quand l’adversaire est surreprésenté.

Moi, citoyen – 25

11 octobre 2018

Échéances d’État :

AUJOURD’HUI

Du côté des pesticides et de l’agriculture industrielle en général, soyons lucides, ça merde comme il faut. Les effets sont notables sur la santé et la qualité de l’eau, sur la biodiversité. Il faut agir, clairement, au plus vite. Et l’agriculture durable est là : mangez sainement braves gens, soyez responsables, vous avez le pouvoir. Tant qu’il y aura de la demande, l’industrie continuera à mettre de la merde dans les champs et dans vos assiettes, et vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-mêmes. 

DEMAIN

Le GIEC l’a dit, le CO2 c’est le diable. Les graves effets du réchauffement climatique se feront sentir bientôt plus sûrement si l’on ne fait rien. Et vous doutez que l’on agisse ? Voyez pourtant nos grand-messes internationales qui disent à quel point l’on a pris mesure de l’urgence… Laissez faire les experts. Et consommez, c’est tout ce que l’on attend de vous. Mais c’est ce qui fait battre le cœur du pays, pas moins. La croissance n’attend pas, merci pour elle.

APRÈS-DEMAIN

Des efforts sont à faire sur le nucléaire, c’est entendu, et on le fera. Mais en attendant que les déchets posent éventuellement vraiment problème, prenons le temps de se demander quelle alternative valable il y a aux énergies fossiles (diable de CO2). Les renouvelables sont réclamées, vous en aurez. Mais comme carburant pour le moteur de votre niveau de vie, de votre pouvoir d’achat, de votre futur véhicule électrique à la page, si vous n’envisagez que ça, il faudra vous préparer, c’est un fait, à des opportunités fort limitées… Soyez sages !

Moi, citoyen – 24

10 octobre 2018

Mais je ne voudrais pas avoir l’air de prôner le noble militantisme et l’engagement politique clairvoyant contre un repli sur soi béni-oui-oui au nom de la part du colibri. Les choses sont beaucoup plus nuancées et la guéguerre entre lutteurs et constructeurs a tout pour me désespérer puisqu’au fond tout le monde sait peu ou prou que l’on peut être des deux bords à la fois, plus orienté d’un côté que de l’autre suivant son caractère et ses affinités. Chaque tendance possède sa part sectaire, a parfois de la difficulté à reconnaître qui n’est pas des siens autrement que comme victime ou bourreau, mais peut cheminer avec l’autre mouvement pour le meilleur quand ses membres ont à peu près les idées claires et l’ego en sourdine.

Moi, citoyen – 23

9 octobre 2018

Comme j’ai dû, il n’y a pas si longtemps, me résigner à acquérir un téléphone portable tout bête, il me faudra sans doute y venir au smHARDphone et aux rézossossios un jour ou l’autre, quand il deviendra bien trop contraignant de s’en passer, de communiquer sur mon activité et d’atteindre les autres sans cela. Et je ne juge pas ceux, autour de moi, qui ont pressenti qu’il était déjà temps pour eux de s’y mettre, de se plier à cette loi, d’abdiquer devant ce qu’ils savent être, derrière une vitrine d’outils fascinants, un obscur matériel capitalisto-symbiotique, et à ce titre tout ce qu’il y a de plus destructeur écologiquement et humainement parlant.

J’y viendrai, à mon tour, avec lucidité et sans amertume inutile. Je saurai rendre les armes de ce côté-là pour mieux continuer à montrer les dents par ailleurs – ou à soutenir ceux qui les montrent plus volontiers que moi -, à construire contre ce que je juge néfaste et à le faire savoir.

Je me résignerai parce que je ne cherche pas la marginalité, que si je peux être qualifié de marginal d’un certain point de vue, ce n’est pas le résultat d’une volonté, c’est sans doute que j’en côtoie d’autres qui me ressemblent ou font peu de cas de ce qui nous différencie, qui me font oublier mes différences d’avec le commun des mortels occidental.

On ne vit pas à côté de la société. On y trempe d’une manière ou d’une autre, et c’est tant mieux sur bien des aspects : santé, culture, sécurité au sens large, et même si l’on peut nuancer. (Tout peut être nuancé et cela doit être fait. À l’échelle d’une société les nuances sont essentielles, recèlent des problématiques sur lesquelles seules les dictatures ont le droit de faire l’impasse – d’ailleurs toute démocratie sans contestation citoyenne se laisse volontiers aller à certains réflexes dictatoriaux.) Je suis dans la société et je fais avec, ou pas, quand je le juge nécessaire, ce qui ne m’en exclut pas pour autant.

Certains idéalistes énoncent le postulat que tout est bloqué, qu’on ne peut rien changer, parce que vu l’emprise d’une poignée de boîtes privées surpuissantes sur le bien commun universel – et vu l’urgence écologique – le constat qu’on file dans le mur, grand sourire béat en avant, est relativement incontestable.

Alors eux prétendent couper les ponts d’avec cette société qu’ils abhorrent. Ils veulent vivre à côté disent-ils, ils prônent cela, et cet à-côté peut par exemple être régi par la permaculture – qui, pour les mal initiés n’est pas une méthode de jardinage sur buttes mais une organisation sociale et spatiale à l’écoute de la nature, dans le respect de celle-ci et des humains, pour une production vivrière et une existence aux contraintes limitées.

Et si leur société permaculturelle peut, par l’exemple, donner l’envie à d’autres de suivre le même chemin, tant mieux. Au propre comme au figuré, ces permaculteurs et permacultrices sèment des graines libres de droit. Qui le veut peut les rejoindre, au moins pour son salut propre, puisque celui de l’humanité dans sa globalité serait contrarié désormais. C’est leur constat.

Mais c’est un constat qu’ils font pourtant plus ou moins confortablement épaulés dans leur démarche par smHARDphones, ordis, Zuckerbook, bagnoles… Difficile de se prétendre réellement à côté de la société tant ces outils en sont des symboles prédominants, et de réels soutiens – par leur abondance – à sa bonne marche délétère.

Voici donc en vérité un moyen, non pas de quitter la société, mais bien de n’y prendre que ce qui sert leur petite entreprise, laissant éventuellement à d’autres le soin de militer et de réclamer plus de droits pour la nature et les déshérités – choses qui demandent beaucoup d’efforts pour bien peu de résultats, il est vrai, mais des résultats qui comptent beaucoup pour leurs bénéficiaires.

On peut – et je partage le constat qu’on le doit – vouloir changer le modèle de société, mais cela ne se fera, quoi qu’il advienne, pas en un jour. Alors en attendant l’hypothétique temps béni de l’avènement d’un système plus égalitariste et à l’écoute de la nature, il ne faut à mon avis surtout pas perdre l’occasion de tendre la main aux plus mal lotis, à qui les préoccupations quotidiennes pour survivre et le degré d’imprégnation par la société de consommation interdisent de conceptualiser des permacultures et autres pistes d’alternatives pratiques au néolibéralisme mondialisé.

Militer pour une meilleure prise en compte politique et entrepreneuriale de la défense de la nature, exercer en nombre une pression citoyenne, est un moyen plus ou moins direct de faire ce pas vers les pauvres également car ils sont les plus vulnérables à la pollution et au changement climatique. Par ailleurs, un mouvement politique semble naître pour de bon (du côté de la France Insoumise par exemple), qui fait enfin le lien entre les revenus et le mode de consommation des plus riches, et ce que ça a comme conséquences pour la nature, sans commune mesure avec ce qui fait le quotidien des pauvres – tout irrespectueux de la nature qu’ils soient dans leurs gestes quotidiens. Il me semble qu’il serait fort dommage de ne pas accompagner cette prise de conscience élargie, de ne pas faire en sorte qu’elle vienne chatouiller les esgourdes du plus grand nombre, particulièrement à l’heure où l’État cherche à se débarrasser des vieilles voitures polluantes.

Moi, citoyen – 22

24 août 2018

C’est une question, celle de l’autarcie, qui m’arrive fréquemment aux oreilles en ces temps d’accueil à la ferme. Est-ce qu’ici l’on vit en autarcie ? Entendons : ce serait fascinant, excitant… voire inspirant ! Ah bon ?

Fascinant, ce fantasme usé qui n’attendait, pour se réinventer, que le déclin des services publics et de la qualité des produits, sur fond de libéralisme économique toujours plus destructeur ?

Excitante, cette idée d’extrême droite qu’on mâchouille parfois ad nauseam entre écolos-gauchos à la vue courte et permaculturo-gagas au jusqu’au-boutisme aussi conceptuel que déraisonnable ?

Inspirante ? Sans doute… Pour les survivalistes qui se préparent à l’apocalypse en héros individualistes à la sauce hollywoodienne bas de gamme !

Pour ma part, j’ai beau avoir peur de me frotter aux autres trop souvent, j’ai bien conscience de ce que je dois à ceux et celles, très nombreux-ses, qui ont participé à faire de moi ce que je suis et à faire que j’en suis où ça me plaît d’être ; j’ai beau constater le creusement des inégalités et la mainmise des lobbies privés sur la politique, j’ai envie de vivre dans la confiance. Aussi brocardé-je quand je le peux cette nostalgie mal éclairée d’une tradition paysanne perdue pas si reluisante. C’est, me semble-t-il, en partageant biens, services et connaissances avec nos voisins et les cousins lointains des voisins de nos copains que l’on tiendra éloigné le spectre du fascisme. Et, plutôt qu’en s’acharnant (en vain) à faire tout soi-même (plus ou moins bien), c’est en appréciant le bon pain du bon boulanger et en soutenant le paysan qui offre à ses vaches de bien beaux prés qu’on se donne en partie les moyens collectivement de réinjecter de l’espoir en l’avenir…

Moi, citoyen – 21

13 juin 2018

Ils sont aimables, les gendarmes venus en « visite de courtoisie », les gendarmes qui font « le tour des habitants ». On papote un peu, mais ça prend un moment avant que ne me quitte tout à fait le frisson que leur arrivée m’a procuré. On papote un peu et ils repartent. Et, sceptique, je récapitule : qu’est-ce que j’ai bien pu dire qui trahisse une quelconque irrégularité de l’activité ? Car, tout de même, n’avaient-ils pas une raison de venir ? Le plus probable semble être la recherche de Marie-Jeanne, et peut-être que pendant qu’on parlait, des collègues à eux visitaient-ils le domaine (et peut-être alors auront-ils fixé leur attention sur mes quelques plants de tabac et de pavot ornementaux dont je ne sais à vrai dire pas grand chose de ce qui règlemente leur culture)…

Ou peut-être qu’ils étaient bien simplement venus se présenter, se positionner en gendarmerie de proximité, ce qui fit évidemment dire à la première personne à qui j’en parlais : « ils feraient mieux de… (faire ceci ou cela, peu importe quoi) ». Moi je crois qu’ils ne feraient pas mieux. Je crois qu’on a tout à gagner à mieux se connaître les uns des autres, seul moyen de se trouver quelques affinités au milieu de nos différences, et meilleure chance de se témoigner un minimum de respect, de calmer les appréhensions… et de se prémunir du frisson quand on rencontre nos voisins fonctionnaires armés.

Pour ma part, il y a sans doute encore bien du chemin à faire de ce côté-là, toute forme de pouvoir me faisant l’effet d’une menace… Et à ce titre, par ailleurs, la question de la légitimité de toute autorité (notamment d’État) et de tous les abus qui sont à sa portée – dont il est régulièrement fait usage -, cette question n’est, me semble-t-il, pas de celles qu’il faut éluder.

Moi, citoyen – 20

5 juin 2018

L’exploit, oui, mais qu’il profite aux nôtres (glorifier un migrant qui sauve un de nos enfants, mépriser ou ignorer ceux qui bravent la Méditerranée dans des conditions terribles).

L’exploit, oui, mais pas sans compétition (donner en exemple des sportifs stars plutôt que, par exemple, les anonymes qui font l’effort d’être à l’écoute des autres en muselant leur ego).

L’exploit, oui, mais imputable à quelqu’un (conception de nouveaux objets de consommation, d’œuvres d’art, de spectacles, quand la nature est déjà si riche de toute sa diversité, ses complémentarités, son évolution, sa résilience, son esthétique ; motifs d’émerveillement et d’étude renouvelés).

L’exploit, la came des premiers de cordée (qui le font) comme des plus humbles (qui l’admirent). L’exploit visible, l’exploit ostensible, l’exploit qui épate, qui repousse les limites. Mais c’est qui qu’on exploite au nom de l’exploit ?

Moi, citoyen – 19

2 juin 2018

Le bio a bonne presse, mais la presse semble ne pas percuter que les produits bio sont, comme leur dénomination l’indique, les produits de quelque chose, et que cette chose c’est l’agriculture bio. C’est flagrant quand cette presse relaie sans grande distance un des arguments gouvernementaux qui voudrait qu’on n’interdise pas le glyphosate sous trois ans au prétexte qu’il n’y a pas encore d’alternatives à son usage… Alors même que l’agriculture biologique parvient à s’en passer. La scélérate FNSEA est à la manœuvre – pour le compte des industriels du secteur – qui fait tout pour contrarier la prise de conscience populaire et les nécessaires actions politiques à même de braquer les projecteurs sur toutes les autres molécules dégueulasses qu’on ose répandre dans les cultures et la nature, envers et contre toute éco-logique en phase avec la conscientisation à l’œuvre aujourd’hui.

« Faisons confiance aux agriculteurs » ânone le gouvernement, se posant en figure paternelle compréhensive pour se justifier de ne pas avoir légiféré sur la question. Chiche pour la confiance alors, et mort aux lois, police nulle part, amour pour tous, anarchie douce ? Non, pour les choses sérieuses, l’État veille… Mais ici il n’est question que de la nature (c’est à dire tout – ou presque -, c’est-à-dire nous, à qui le dites-vous ?).

Moi, citoyen – 18

13 mai 2018

On sait déjà qu’à cause de la fabrication de sa batterie (et outre même la question fatale de l’origine nucléaire de l’électricité), le bilan écologique d’une voiture électrique est plus qu’ambigu. On aimerait sincèrement savoir si la fabrication entière d’un bête véhicule moderne (thermique) peut véritablement – comme on nous l’affirme à longueur de temps, et avec un aplomb sans failles – être générateur de moins de pollution que l’usage d’une automobile déjà existante, toute vieille et délabrée qu’elle puisse être. À l’heure où l’on réforme le contrôle technique automobile, et dans une région où bien des vieilleries sembleraient, sans cela, vouloir arpenter éternellement le serpent des départementales, la question n’a rien d’anecdotique. Et puisqu’elle n’est pas posée, tant pis pour leurs propriétaires et pour les garagistes, tant mieux pour l’industrie automobile et pour les citadins. Ces derniers jouiront de cités un peu moins polluées où l’on pourra continuer à leur faire miroiter, comme unique prétention raisonnable, un avenir au service de la croissance économique, mère de tous les épanouissements. Quant à l’urgence de réformer l’agriculture pour ne plus polluer les campagnes et la nourriture de tout le monde, ne faisant pas les affaires de l’idéologie néolibérale, elle se voit cantonnée politiquement au catalogue des bonnes intentions qui s’épaissit à mesure que le développement durable prend du galon. Les actes, hum, attendront les prochaines élections…

Moi, citoyen – 17

11 mai 2018

Pour Nature & Progrès, j’ai visité un paysan maraîcher, éleveur de moutons et de poules, et castanéiculteur. Pour Nature & Progrès, une paysanne éleveuse de chèvres, fromagère et castanéicultrice m’a visité. Des adhérents non-producteurs nous y ont accompagnés, ont décortiqué avec nous les activités et les qualités de nos fermes, leurs contraintes et les défis à y relever, ainsi que la cohérence avec notre mode de vie et de consommation (des non adhérents étaient là aussi, à la découverte des fermes et de Nature & Progrès). Ceci représentant la première étape du Système Participatif de Garantie qui en compte trois, et choisit d’impliquer les citoyens dans la production alimentaire, de leur donner voix au chapitre quant aux méthodes agricoles.

Chez Nature & Progrès, progrès est à lire au pluriel : si les exigences envers la nature sont très élevées, la perfection n’est qu’une abstraction qui ne vaut que comme objectif sans cesse réinventé. Associer rigueur et bienveillance génère des rapports humains honnêtes et collaboratifs, et ces relations-là sont mères de progression.

Quand les cahiers des charges de l’Agriculture Biologique officielle permettent à l’industrie de s’y faire une bonne grosse sale place ; quand les contrôles – réalisés par un organisme mandaté par l’État – actent de la simple obéissance à des règles dans un domaine donné seulement, voire pour une seule et opportuniste production ; quand le seul progrès qu’on nous vend dénué d’adjectif est technique ou technologique et s’accompagne souvent de régressions sociales et écologiques… Nature & Progrès s’impose en véhicule d’espoir concret : moyen de lutte constructive contre l’obscurantisme et les dogmes industriels néolibéraux, et initiative collective soucieuse du bien commun à travers la pratique et la promotion de l’agro-écologie.

Moi, citoyen – 16

29 avril 2018

Dans le documentaire TV sur les Cévennes dont tout le monde me parle en ce moment, je découvre le portrait d’une transmission paysanne proche de celle que j’ai vécue. À la sempiternelle question posée à certains parents sur la fierté qu’il y aurait à voir leurs enfants reprendre leur activité, ce père-là se dit simplement heureux et ajoute en substance que la fierté est un sentiment qui lui semblerait déplacé en la matière… Et que plus largement ce légitime orgueil (définition Larousse, 1999) gagnerait à être troqué plus régulièrement contre une humilité on ne peut plus légitime, et qui est surtout un irremplaçable préliminaire à des relations humaines saines et sereines.

Moi, citoyen – 15

29 avril 2018

Simplicité volontaire, où es-tu ?

Chez ceux qui veulent tout faire eux-mêmes, et accumulent mille outils pour cela ?

Chez ceux qui manquent d’outils pour bricoler efficacement ?

Chez ceux qui préfèrent lire et rêver, plutôt que de travailler et de consommer ?

Chez ceux qui lisent pour travailler, plutôt que de consommer du rêve ?

Chez ceux qui vivent chichement mais s’activent beaucoup, pour eux-mêmes et pour les autres ?

Chez ceux qui se donnent trop de devoirs, qui s’épuisent à vélo pour être partout ?

Chez ceux qui écoutent leurs limites avant même de s’en imposer ?

Chez ceux qui vivent imaginativement avec RSA et APL ?

Chez ceux qui exercent un mi-temps sans envergure ni éthique pour mieux jardiner et militer à côté ?

Chez ceux qui s’unissent autour d’idées généreuses pour les faire avancer ?

Chez ceux qui se font un devoir d’aider des voisins qu’ils n’apprécient pas vraiment ?

Simplicité volontaire, m’entends-tu ?