La vraie vie – 3

25 mai 2019

Loin de la ferme, je me suis senti rester paysan. À la retrouver, je ne sais plus trop bien ce que je suis. En ville je continuais à me penser paysan alors que je devenais autre chose. J’ai retrouvé ma ferme un peu en citadin finalement, et en paysan un peu largué.

En ville, je me suis reposé sur une certaine simplicité de l’existence, mais cette vie molle m’a usé. À la ferme, je retrouve la vie relativement dure sur laquelle j’ai fondé mon équilibre. Mais j’ai désappris cette vie et c’est un choc que de retrouver la complexité de l’imbrication, de l’interdépendance des choses, des tâches et des êtres ; et la fragilité des équilibres créés.

Tous les problèmes qui surviennent et sont réglés plus ou moins au fur et à mesure habituellement m’attendaient en file indienne, sagement mais fermement revendicatifs. Mutiques ou presque, l’internet, le téléphone et la voiture donnèrent à constater leurs pannes respectives, la panne de l’un ne facilitant pas la résolution de celle des autres, et la globalité de l’affaire ne me mettant guère en condition de me montrer confiant pour la reprise. Ajoutons à cela quelques tâches négligées ou bâclées par les gardiens du lieu et ma phobie sans nom pour les démarches administratives consubstantielles au retour et à la nécessaire réaffiliation agricole… La coupe était pleine, qui me promit de l’anxiété pour un bon moment.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.