Mes rouages – 4

23 mars 2019

Je suis aujourd’hui, en ville, dans une frustration de solitude que je n’avais peut-être jamais atteinte auparavant. Le regard des autres est pour moi un poids très important que je ne peux supporter qu’en m’octroyant à côté un temps conséquent d’absolue solitude, de tranquillité sans contrainte, soit dans le cadre de mon quotidien et loin des tâches importantes.

C’est un besoin très contraignant, et s’il n’est pas parfaitement comblé sur la ferme, je m’y accommode tout de même pas mal du temps passé seul à des tâches extérieures peu coercitives – et des pauses que je peux y prendre –, des escapades de ma compagne chez des médecins en ville, de nos différents rythmes de vie qui me laissent du temps dans la maison également…

Ici, notre appartement est trop petit pour que la présence de ma compagne ne soit pas un poids, et ce poids n’est pas vraiment allégé par mes temps de présence à l’atelier, où il y a presque toujours quelqu’un d’autre, et où, quoi qu’il en soit, je ne me sens pas à l’aise comme chez moi. C’est dans la rue, le temps de m’y rendre et d’en revenir, ou lors de quelques escapades, que je suis le plus seul : c’est là qu’il m’est le plus facile de faire abstraction des autres, que je ne connais pas et desquels par conséquent je n’ai pas à interroger l’attente vis-à-vis de moi (le fond de mon problème sans doute). Mais il fait froid dans la rue, j’y marche vite, je ne m’y attarde pas… et, encore une fois, je ne m’y sens pas chez moi.

Le printemps arrivant tout doucement, peut-être pourrai-je prochainement y respirer un peu plus (j’y flâne déjà un peu, les jours où il ne gèle pas). Reste que ça ne suffira pas, et que j’ai grand hâte, sur la question, de retrouver mon refuge cévenol !

Je m’amuse parfois à me demander lequel je préfèrerais d’un monde où je serais absolument seul et d’un monde où au contraire toute solitude me serait refusée. Il est pourtant évident que ma crainte des autres est le corollaire au fait que je me sens avant tout vivant via leur regard. En témoigne ce besoin, semble-t-il impérieux, de donner à lire sur mon quotidien et mes cogitations…

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.