Ma vie d’élu – 12

25 novembre 2018

Cette lettre-là n’a pas pour vocation d’être envoyée, ça ne servirait évidemment à rien.

Cher opérateur historique soumis à l’obligation de Service Universel (entretien et réparation du réseau de téléphonie fixe).

J’aurais pu vous écrire toute ma rage en tant que citoyen seulement, fustiger l’entretien quasi inexistant des lignes téléphoniques en campagne, et la légèreté criminelle avec laquelle vous traitez les plaintes légitimes des usagers sur les dysfonctionnements du service, et la désinvolture ou l’incompétence des sous-traitants sous votre commandement…

Mais j’ai également eu affaire à vous en tant qu’élu, et j’ai pu mesurer combien je n’étais pas bien plus important à vos yeux affublé de cette étiquette, combien ça ne suffisait pas à vous faire honorer votre mission. J’ai pu apprécier l’étendue de votre puissance et la complicité de l’État quand un sous-préfet, après promesses de soutien contre certaines preuves, n’accusa jamais réception de ces preuves que je lui fournissais.

J’aimerais dire que je me suis battu pour vous arracher des investissements mais j’ai surtout le sentiment de m’être débattu pour arriver quelquefois à vous faire honorer tardivement votre mission de réparation dans ce qu’elle a de plus élémentaire. Il y en a qui se seraient sûrement acquittés de ma tâche avec plus d’intelligence et de persévérance que moi mais ils n’étaient pas là.

Tant pis pour moi, pour mon orgueil. Tant pis aussi pour les petits vieux et les plus démunis, qui s’ils meurent un jour chez eux, faute d’avoir pu joindre à temps les services de secours, le feront devant un beau paysage ! On ne peut pas tout avoir, et on commence à le savoir par chez nous, tant ça nous est rétorqué souvent jusque dans le plus beau bureau de la sous-préfecture de la ville moche – est-ce de mon fait ? – du coin.

À l’heure où, sur la base de nombreux témoignages, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) vous met en demeure de respecter votre objectif de qualité de service, force est de constater que mon bout de cambrousse n’est pas le seul à avoir à se plaindre de vos services ou de leur absence criante. Je me réjouis évidemment de cette sommation tout en ne nourrissant que peu d’espoir quant à son effet sur votre politique d’entreprise naturellement dévouée au profit, et que cette foutue astreinte au Service Universel fait mine – et seulement cela – de contraindre.

Veuillez néanmoins agréer tous mes vœux de mise en pratique d’une certaine humanité dans les plus brefs délais.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.