Productif, improductif – 2

24 octobre 2018

Il y a dans le milieu de la permaculture, auquel le couple qui va garder le domaine se revendique une affiliation, cet aspect qui me pousse à ne regarder ça que de loin : la culture du miracle – plus affirmée qu’ailleurs me semble-t-il. Tel praticien aurait des résultats extraordinaires, telle méthode serait gage de réussite sans se fatiguer…

Pourtant la permaculture – comme l’agro-écologie paysanne – prône le cas par cas et l’attention à son environnement (proche comme lointain) en préambule au choix de ses méthodes et actions. La sagesse de ses théories qui en appellent à un humain connecté au monde pour mieux s’organiser, dans le respect des autres et de la nature, en fait en quelque sorte le programme alternatif parfait au productivisme libéral mondialisé.

Dès lors, puisque tous les signaux écologiques sont au rouge et que le greenwashing généralisé masque bien mal l’absence de volonté des gouvernements comme des entrepreneurs influents, il est fort tentant de se réfugier dans l’idée d’une alternative absolue. Il ne s’agit là pas d’y réfléchir mais, dans l’urgence, d’abord d’y croire.

Voilà que naît, malgré elle peut-être – qui est théorisée depuis plusieurs décennies déjà -, une nouvelle religion, avec ses dogmes (la culture sur buttes, retenue presque constamment…) et les miracles qui galvanisent les fidèles (la productivité accrue, le moindre effort…). Dommage pour les nuances, et surtout pour l’idée primordiale qu’il n’y a pas une situation équivalente à une autre. In fine, dans tout cela, la mise en pratique et surtout sa réussite semblent accessoires, seul comptant le fait d’avancer conjointement à une communauté de croyants.

Si le scepticisme dont je fais preuve ici me met un peu mal à l’aise (encore une fois, il y a je crois beaucoup à tirer des idées permaculturelles, et certains praticiens sont sans doute lucides et constructifs), je dois avouer que les gardiens du lieu n’en sont pas les meilleurs promoteurs a priori et, de fait, m’ont plus aidé à mettre au clair l’origine de mes doutes sur la doctrine qu’à me sensibiliser aux pratiques judicieuses qu’elle propose. En effet, je fus pour le moins surpris de ne les voir aucunement arpenter les lieux, quand, la première semaine après leur arrivée, je les laissais prendre leurs marques, trop occupé à certaines tâches que j’étais pour commencer le tour d’horizon du gardiennage à venir. Et s’ils se promènent désormais un petit peu aux alentours, je les découvre surtout, à chaque visite que je fais dans le logement mis à leur disposition, le nez rivé à un écran. Un même autel aujourd’hui pour combien de religions ?

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.