23 octobre 2018
J’avais entendu dire qu’il faut cinq ans pour véritablement s’installer en agriculture. Cinq ans pour galérer, en gros, avant que ça ne roule à peu près. Moi, j’ai eu beau reprendre une activité qui roulait déjà, c’était alors avec quelqu’un d’autre au volant, et je dois dire qu’une fois dans le fauteuil du conducteur, la loi des cinq ans, je n’y ai pas échappé. Pas tout à fait. Malgré les facilités, cela représentait un défi, cela engendrait de l’angoisse. L’angoisse a-t-elle disparue ? Certes non, mais une certaine confiance s’installe. Plus rien n’est un défi ? Oh que si – mes difficultés relationnelles sont persistantes -, mais c’est tout de même moins fréquent. C’est peut-être imperceptible dans le quotidien, mais un truc a décollé, un mouvement semble engagé que je ne songe plus à arrêter. Il n’y a qu’à l’accompagner. Et puis lever le nez, doucement, appréhender la route, envisager une direction à donner à tout ça…
Par exemple, ça me plaît de commencer à penser, depuis l’hiver dernier, par les coupes et le débroussaillement, au façonnage du paysage. J’aime ce partenaire qu’est la végétation en ce qu’elle m’offre comme gamme de possibilités et rythme mesuré. Des arbres poussent un peu partout. Libre à moi de les protéger, de les couper, d’attendre pour le faire plus tard ou pour finalement ne pas le faire. Il est bienvenu ce droit à l’attente. Il pose, rend patient, et il est propice au rêve, aux projections, il permet de s’approprier les choses doucement. C’est exactement ce dont j’ai besoin, et je sens déjà que ça porte ses fruits. Je me sens désormais clairement chez moi, et prêt à relever plus de défis que de coutume pour y demeurer.
Néanmoins, en cette période qui précède une absence prolongée, je commets une imprudence, sans doute, à me montrer si confiant. D’une part, il est à prendre en compte qu’une rupture de plusieurs mois dans mes activités mettra peut-être un peu à mal le subtil équilibre qui se dessine. D’autre part, je dois regarder en face qu’un peu effrayé par l’ailleurs, mais surtout par la coupure, j’idéalise peut-être le quotidien.
Tant pis, puisqu’il semble que je ne peux réagir autrement, et que de ne pas le faire n’aurait, de toute façon, aucun effet bénéfique à l’heure actuelle.