Motifs d’émotion – 6

23 septembre 2018

Tuer des poules ne m’a sans doute jamais rendu aussi triste. Ce n’est jamais une activité plaisante, mais, comme je l’ai déjà évoqué, je ne la trouve pas contrariante, je suis à l’aise avec l’idée de la mise à mort et capable de passer à l’acte sans m’en formaliser.

Aujourd’hui, je sacrifie les deux poules et le coq qu’avait épargnés la genette. Je les tue parce que ma compagne et moi allons nous absenter longtemps et que nous ne voulons pas imposer aux gardiens de la ferme, pour un si petit cheptel, l’astreinte quotidienne d’ouverture et fermeture du cabanon. Je les tue pour une question pratique, je les tue pour ne les manger que dans plusieurs mois sans doute. Ce n’est pas tant de les tuer qui m’affecte en vérité. C’est, par ce geste, en quelque sorte, d’acter le départ – prévu pour dans un mois environ. Quitter le lieu et les activités pour une demi-année m’est difficile, est générateur d’anxiété (malgré l’excitation), toute la beauté de mon environnement ne m’en saute que plus au visage. Et ces gallinacés pleins de vie sont beaux assurément, et ne le sont que vivants. Leurs cadavres que je plume et vide, bien que porteurs de gouleyantes promesses en sauce yassa, font grise mine en l’état des choses et de mes préoccupations.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.