Souvenirs – 4

7 mai 2018

Elles viennent par flashs, visions d’un ailleurs autant que souvenirs.

Là, il y a vingt ans, trente ans, ce n’était pas pareil. Là, il y avait une forêt au lieu de cultures ; là des cultures au lieu de prés ; là, du caillou au lieu d’herbe ; là pas encore d’arbres ; là une cabane perchée ; là pas ce bâtiment ; là des amis vécurent un moment ; là des chèvres au lieu d’une salle de bain, des ânes au lieu d’une chambre ; là une autre porte d’accès au poulailler ; là on n’accédait pas en voiture ; là il y avait des carcasses de voitures où jouer, et des guêpes qui y nichaient ; là j’ai pu y camper ; là passer sous le cheval pour impressionner les copains ; là j’ai pleuré sur les marches une fois où mes parents, partis en foire, m’avaient laissé avec un ami à eux… Elles n’ont pas bien changé ces marches en dalles de schiste, mais quand même, ce n’étaient pas les mêmes puisque je n’étais pas le même.

Là, aujourd’hui, elles me bouleversent toujours un peu ces visions. Elles me donnent furtivement le vertige… Et me questionnent sur ma capacité et ma volonté à encore faire évoluer ce lieu, hors arbres qui pousseront de toute façon et autres que j’abattrai. L’idée de ne pas le faire progresser comme l’ont fait mes parents me semble une trahison, quand bien même la nécessité ne se fait plus sentir, puisque ça a tout pour nourrir son couple… Et quand bien même certains changements ne manqueront pas de s’imposer pour des questions pratiques plus ou moins vitales, des questions d’écologie ou par obligations légales. Vu d’ici, pourtant, je n’arrive pas à imaginer que ça puisse véritablement transfigurer le décor, mais peut-être que je manque juste d’imagination…

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.