8 janvier 2018
Il m’arrive fréquemment de me dire que je ne suis pas à ma place dans ce que je fais, que même si je ne crois pas à la vocation ou à la destinée j’ai trop d’inaptitudes et de blocages pour faire un paysan digne de ce nom, serein, efficace, créatif, sur le long terme. Et puis je m’avise que si je devais, pour être moi-même, me perdre dans les histoires, la création, l’étude du monde par le biais de la recherche formelle, j’en serais probablement malheureux. Car dans la vraie vie, il me semble tout à fait difficile, avec cela en ligne de mire, de gagner ma croûte et un statut social reconnu.
Aussi me semble-t-il plutôt clairvoyant de continuer à me trahir un peu en échange des choses vitales que je viens d’évoquer (le fric et le statut), et en acceptant pour cela de profiter que beaucoup de gens voient en mon mode de vie et de travail une sorte d’idéal, quelque chose qui ne pourrait être qu’éminemment personnel, forcément voulu du plus profond de mon être, nécessairement en adéquation parfaite avec mes valeurs ; toutes choses faisant rêver, et donnant envie de me soutenir (le pognon) et, si ce n’est de me côtoyer, au moins de me considérer (le statut).
Aussi, probablement, en n’étant pas à ma place, je me trouve bien mieux que si j’y étais. Ce schéma de pensée tendant à me faire passer pour perdu, j’imagine, aux yeux de ceux qui ont l’écoute de son cœur et de ses désirs pour religion, qui verront peut-être dans ma cérébralité un moyen de refuser de voir les choses en face, de reconnaître les chemins que je pourrais emprunter pour chercher à être en phase avec moi-même. Et qui dit qu’ils ne peuvent pas avoir raison également sans que j’aie tort pour autant ?