23 octobre 2017
Souffrant quelque peu de notre isolement (activité professionnelle sur notre lieu de vie, lui-même perdu dans la forêt, à trois kilomètres de la route départementale), ma compagne m’interroge : est-ce que ça ne me manque pas de voir des amis régulièrement ? Et il me semble que ça ne me manque pas, non. Il semble qu’en terme de compagnie, je me satisfais de la sienne en premier lieu, à quasi plein temps ; de celle des vovos, presque une moitié de l’année ; des vacanciers, en été ; des connaissances locales de plus en plus nombreuses et dont je croise au moins un représentant à chaque sortie ; du contact épisodique par courriel ou courrier avec mes amis lointains ; et, on y revient, des histoires, qui sont également des rencontres avec autrui.
Ma compagne, elle, pour qui cela ne suffit pas, surtout en saisons où l’on pourrait presque passer des semaines sans voir quiconque, sans sortir pour autre chose que des courses ou un rendez-vous chez le dentiste, ma compagne s’arrange pour que l’on passe parfois un peu de temps avec des gens du coin. Chose qui semble être à la base de la sociabilité, mais dont je ne ressens pas particulièrement le besoin, et que je crains un peu, au titre d’inédit qui bouleverse les habitudes, et de routine à la fois quand il faut se présenter, répondre aux questions auxquelles on a mille fois répondu déjà, ou à celles qu’on voudrait à tout prix éviter sur ce qui fait notre quotidien du moment…
Je sais pourtant que c’est essentiel, qu’on ne peut concevoir de ne pas tisser de liens aux environs et que des liens plus poussés avec des gens du coin me manquent finalement quand le quotidien se fait oppressant, que les défis s’y accumulent, et qu’on ne veut pas toujours se reposer sur l’éternelle épaule de l’amoureuse ou des parents. Par ailleurs, à chaque épaule ses prérogatives, et quand ma compagne se trouve dans l’impossibilité de m’aider à régler un problème matériel auquel elle n’entend rien ou ne peut rien physiquement, mon réflexe sera en premier lieu de me tourner vers mon père – qui n’y peut pas toujours quelque chose non plus. Et d’ainsi espérer ne pas avoir à en déranger d’autres mieux placés pour me sortir du mauvais pas (ce que je ne finis par faire qu’en dernier recours), mais avec qui je n’entretiens qu’un rapport lointain à base de rencontres fortuites, de liens commerciaux ou professionnels rares.
Me voilà de fait isolé, personne ne me demandant non plus de coup de main, m’imaginant sans doute, puisqu’on ne se voit pas, bien trop occupé, et lié à d’autres – ou n’imaginant rien, ne pensant juste pas à moi -, alors que c’est bien ainsi que j’apprécierais le plus de pouvoir créer du contact avec les habitants du pays, que je pourrais immédiatement y déceler un intérêt certain, que je pourrais grandir, me sortir petit à petit, qui sait, de mes blocages relationnels. En homme de missions, voilà ce qui me contenterait. Je le propose dès que je le peux à ceux que je rencontre, mais devant le fait accompli de ma tendance au repli sur soi, d’aucuns ne doivent voir dans ces propositions qu’une forme de politesse ambiguë.