Moi, citoyen – 8

21 septembre 2017

Le militant est, pour le commun des mortels, un repoussoir. Il est dans la posture, il caricature, il critique sans proposer, il culpabilise son prochain. On ne veut pas l’écouter, encore moins lui ressembler. La cause qu’il défend peut sembler bonne, on la prendra en grippe parce qu’il nous gonfle. De l’avis de tous les bien-pensants le militant se tire une balle dans le pied. Certains, qui partagent ses indignations et ses conclusions politiques, qui pourraient l’aider à faire avancer la cause, s’en tiennent à distance (ou finissent par le faire après une période de contact) faute d’adhérer à sa manière de concevoir la communication et l’action, la militance au fond. N’empêche, le militant fait du bruit, provoque le débat, oblige le politique à se saisir de certains sujets qu’il aurait préféré laisser sous le tapis. Le militant se confronte, avec mauvaise foi, en occultant tout ce qui pourrait atténuer son propos, à une autre mauvaise foi, qui a pignon sur rue et sert généralement des intérêts bien établis. Si le militant met ostensiblement les pieds dans le plat, c’est parce qu’il sait que, sur le terrain de la communication, il ne joue pas avec les mêmes armes que ceux qu’il combat ; il sait que le statu quo est la règle, et que pour s’attaquer à la règle il faut faire du bruit.

J’en connais un peu des militants, plutôt gauchos, principalement écolos. (De loin, je dois en être un, de par mon activité de paysan adhérent à Nature et Progrès, ou l’avoir été à l’époque où j’envoyais des courriels collectifs d’opinion, où je postais sur un blog une BD au contenu partisan, où je m’étais investi un petit moment dans le collectif anti gaz de schiste du coin. De près, si je milite, c’est en dilettante, franchement investi nulle part.) Si je reconnais la légitimité de la manière de faire de ceux-ci, je suis de ceux à qui elle ne convient pas vraiment parce qu’elle demande à être obsessionnel, et qu’une obsession – au service de quelque cause légitime cela puisse être – pousse gentiment à la névrose. Attaché aux nuances, je tiens pour ma part à m’éviter cette névrose-là (finir par croire que les choses sont aussi tranchées qu’on le dit) puisque j’en perçois le risque et que je sais que d’autres névroses me guettent, me gagnent ou me possèdent déjà. J’aimerais croire qu’existe une militance plus souterraine, car personnelle, inscrite dans les actes et les expressions de tous les jours, dans la construction, et dans la création, et au sein de laquelle je pourrais m’épanouir pour faire ma part, qu’elle soit complémentaire de l’autre manière de faire. Mais si choisir d’y croire ne mange pas de pain, j’ai bien peur qu’elle ne m’engage pas, moi – ou quiconque pense comme moi -, à me donner beaucoup de moyens pour peser sur le cours des choses ; et qu’il est pourtant urgent, de tout évidence que l’on s’engage un peu plus ouvertement contre… (ce que vous voudrez – les choix ne manquent pas, dans la limite du respect des humains, des bêtes, des grands équilibres naturels, et histoire de s’éviter un coupable prêt-à-haïr, forcément un poil à côté de la plaque).

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.