À table ! – 1

12 août 2107

Le laïus, à la table d’hôtes.

Nous leur disons que l’agneau que nous allons manger vient de notre ferme. Que nous ne servons pas souvent de la viande à table car nous n’en mangeons pas souvent nous-mêmes. Que nous la considérons comme un mets d’exception qui se doit de rester rare pour satisfaire les besoins de tous. Que nous consommons principalement celle d’animaux que nous avons élevés et tués. Que nous l’avons fait avec le plus grand respect possible pour la bête, et nous les prions de faire preuve du même respect en mangeant correctement les morceaux, en rognant les os. Que chacun est libre et responsable de la part qu’il se sert, et que, comme le dit l’affiche home made derrière eux, la politesse (envers le cultivateur, l’éleveur, le cuisinier, le plongeur…), ici, c’est de lécher son assiette ! Bon appétit.

La mise au point, à qui veut l’entendre.

Non, aucun être n’a de vie à vivre. Rien n’a été programmé en la matière, si l’on s’en tient à ce que l’on a pu observer, hors superstitions plus ou moins célèbres. Non, manipuler les animaux (l’élevage), qui n’ont pas conscience de cet état de fait, n’est pas révoltant. Non, tuer une bête – sevrée, comme le sont les très vieux agneaux qu’on mange chez nous – n’est pas un drame ; ni pour elle, qui ne sera plus, ni pour ses semblables, qui ne s’attachent pas les unes aux autres comme les humains peuvent le faire. Dans les cycles naturels, la mort d’êtres vivants favorise l’existence d’autres organismes, et la Vie au sens large. L’humain est, malgré ses cultures, ses lois, ses croyances, un être de nature, et le plus préoccupant moralement est quand il cherche à s’extraire de cette place. Le véganisme béat en est une manifestation possible. Et si elle ne semble pas peser lourd face à celles du capitalisme et du techno-scientisme associés, prenons la peine de constater comme ceux-ci sont à même de s’en servir pour artificialiser encore un peu le monde, en nous mettant, par exemple, de la viande développée in vitro, et brevetée, dans les assiettes. Il sera toujours temps alors de se raconter des histoires autour de la table, entre amis ou aux enfants, sur le temps où il y avait des paysans.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.