25 juin 2017
Qu’est-ce que cet homme a dit à l’écoute de ma description des activités du moment ? Il a dit « c’est la liberté », et ça n’avait tellement aucun rapport que ça m’a laissé sans voix. La liberté d’être son propre patron, presque son seul employé, d’être seul juge (avec ma compagne) de la nature et de la priorité de mes actes ? Peut-être bien, mais rien dans ce que je lui décrivais n’était de nature à la mettre en avant. Et qui n’est pas de trop mauvaise foi reconnaît que les chaînes sont partout, souvent plus spirituelles que matérielles d’ailleurs – alors la liberté ? Et si j’en vois, moi, de la liberté dans ce que je fais, je n’en connais que trop bien les limites aussi. L’une comme les autres ne sont pas connues de cet homme, qui me connaît peu en vérité. Mais c’est un homme, un de plus, qui veut avoir une idée sur tout, et particulièrement sur la bonne voie des choses. C’est, pour un habitant du pays, travailleur du bois, de l’arbre à la charpente ou à l’objet d’intérieur, néo-rural de la génération de mes parents, qui comme eux, voire plus encore, a bossé dur, et bosse encore, même retraité ; c’est un moyen, je le crois, d’associer sans le dire nos situations mutuelles de gros travailleurs en contact avec la nature, et par ce biais de voir sa propre vie sous l’angle de cette fameuse liberté. C’est une parole en définitive qui ne m’était pas adressée.
Sa variante venant d’étrangers – vacanciers, visiteurs, employés occasionnels – est celle qui consiste à qualifier ma vie de vraie ou d’authentique : proximité avec la nature, lien aux saisons, travail et quotidien mêlés (vie-travail) en sont les manifestations. Ce qui révèle avant tout non pas tant les frustrations que leur procure la leur (pas forcément si pesantes), mais surtout l’idée qu’ils se font de ce qu’elle devrait être, du décalage entre le réel et leur idéalisme plus ou moins dogmatique et fantasmagorique. Oui, c’est une affaire de fantasmes, et m’en voici élu l’objet à mon corps défendant. Démission : impossible. Le mythe est plus fort que toi.