Le corps et l’esprit – 2

4 juin 2017

Plutôt chétif j’étais, plutôt chétif je ne suis pas resté. Mais fin, oui. Mais sec, oui. Je partais de loin, ou de pas très proche, mais petit à petit, j’ai fait du muscle. Une grosse baraque, certes, je ne suis pas devenu. Mais relativement fort, mais endurant comme il faut, sans doute. Comme il faut pour ce lieu, qui m’offre souvent dans une seule journée un panel d’activités plus ou moins demandantes en effort physique, en concentration, et la possibilité de gérer mon temps comme bon me semble (avec tout de même pour contremaître, parfois un poil autoritaire, la météo). Et s’il y a des jours plus éprouvants que d’autres, ça s’équilibre pas mal : je ne me crève pas et je forcis mine de rien. Et je le constate par comparaison avec les vovos, qui outre leur fréquente lenteur à la tâche se révèlent souvent bien peu endurants.

Ainsi l’on a pu me qualifier de surhomme (pour me taquiner, mais c’était dit) quand je continuais d’œuvrer alors que tout s’était arrêté autour de moi. Or il y a qu’à coups de petites tâches, et à plus forte raison lorsque l’on travaille pour soi, pour le bien de son propre projet, garant de sa propre subsistance, l’esprit et le corps sont à même de trouver des ressources que les autres ne soupçonnent pas. L’ironie de la chose est que je me sens tout le contraire d’un surhomme : bien adapté à mon activité, certes, mais pas quand ça sort trop des clous (admirable est ma déconfiture quand je fais plus de deux heures de paperasse ou quelque chose de physiquement éprouvant alors que mille autres tâches m’appellent), et ne parlons pas de l’hypothèse d’un travail pour autrui à rebours de mes goûts, de mes convictions. Quant à tenir la distance ? Chaque échappée loin de tout ça, chaque arrêt du processus d’enchaînement des actions, et la fatigue qui m’accable à ces occasions, me mettent en garde quant à mes capacités réelles sur le long terme. Surhomme non, bien petit homme. Petit homme qui vit d’espoir, comme dans la chanson ; l’espoir de ne pas s’ennuyer sans que rien ne change trop, l’espoir de tirer sans excès sur la corde sans que ça ne craque jamais. Ce qui sont tout de même, je le confesse, quelques choses plutôt costaudes à réussir, et qui ne réussissent déjà pas tous les jours.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.