Fils de – 2

3 mai 2017

Il en a des choses à dire, mon père, quand il passe par ici. Il en a des commentaires à faire, en bien, en moins bien, mais toujours avec l’œil de l’expert, quand bien même il vaque ailleurs depuis cinq ans, a oublié un peu comment ça se passe, et ce qu’il m’a déjà dit, et ce que j’ai entrepris de changer. Il en a des choses à dire, naturellement, après avoir vécu 40 ans ici et façonné ce qui me permet de vivre et de jouir de la nature cultivée qui nous environne (et de ne pas m’ennuyer, aussi). Alors il les dit, et je reconnais que ça m’est encore parfois fort utile, une fois digérée l’humiliation de la leçon du professeur en chef, collectionneur d’admirateurs… D’animations en ateliers, de réunions en manifestations… Mon père, ce gourou. Mon père qu’on n’a pas opéré finalement, et qui va faire traiter son kyste cancéreux – sur les cordes vocales – à coup de radiothérapie. Mon père qui a d’autant à dire, il me semble, que ses paroles éclipsent l’angoisse du traitement, la peur de la déchéance. La mort est encore loin, le mal somme toute bénin en l’état, alors naturellement la manifestation de la peur chez l’homme fier qu’est mon père, prend ce chemin détourné que je crois déceler. Ainsi va de l’expression de son humanité, dans toute sa complexité – qu’on ne touche sans doute là qu’à peine du bout du doigt.

Auteur : zazar

Après des études dédiées à l’illustration et quelques années de pratique de la bande dessinée, je me réinstalle fin 2008 sur la petite ferme écolo (en AB et sous mention Nature et Progrès) où j’ai grandi, dans les Cévennes. Mes parents y avaient élu domicile en 1973, achetant alors une ruine et un terrain envahi par les pins. 40 ans plus tard, ils peuvent me léguer un lieu habitable, vivant, agréable… Une petite oasis de verdure isolée au cœur d’une forêt plutôt aride, et un outil de travail efficient – quoiqu’un peu brinquebalant. Ainsi, en 2013, je reprends officiellement l’activité agricole de mes illustres géniteurs qui ont déménagé dans la bourgade avec services la plus proche. Je suis accompagné par ma compagne dans nos activités de cultures (fruits et légumes), de petit élevage, de valorisation de ces productions en cuisine (dans des foires bio et à la ferme) et d’Accueil Paysan en camping et chambres. Une bande dessinée dédiée à nos premières années paysannes, le « Carnet de Cambrousse », est à paraître. Le JOURNAL PAYSAN, lui, tout de texte, et sans doute plus intime, prend la suite de la BD, mais peut s’appréhender sans l’avoir lue. J’ai 37 ans quand je le démarre, le 8 avril 2017.