3 mai 2017
Il en a des choses à dire, mon père, quand il passe par ici. Il en a des commentaires à faire, en bien, en moins bien, mais toujours avec l’œil de l’expert, quand bien même il vaque ailleurs depuis cinq ans, a oublié un peu comment ça se passe, et ce qu’il m’a déjà dit, et ce que j’ai entrepris de changer. Il en a des choses à dire, naturellement, après avoir vécu 40 ans ici et façonné ce qui me permet de vivre et de jouir de la nature cultivée qui nous environne (et de ne pas m’ennuyer, aussi). Alors il les dit, et je reconnais que ça m’est encore parfois fort utile, une fois digérée l’humiliation de la leçon du professeur en chef, collectionneur d’admirateurs… D’animations en ateliers, de réunions en manifestations… Mon père, ce gourou. Mon père qu’on n’a pas opéré finalement, et qui va faire traiter son kyste cancéreux – sur les cordes vocales – à coup de radiothérapie. Mon père qui a d’autant à dire, il me semble, que ses paroles éclipsent l’angoisse du traitement, la peur de la déchéance. La mort est encore loin, le mal somme toute bénin en l’état, alors naturellement la manifestation de la peur chez l’homme fier qu’est mon père, prend ce chemin détourné que je crois déceler. Ainsi va de l’expression de son humanité, dans toute sa complexité – qu’on ne touche sans doute là qu’à peine du bout du doigt.